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facebook en 6ème
source msalaun Le Monde
http://www.lemonde.fr/societe/article/2013/03/23/facebook-nouvelle-porte-d-entree-dans-l-adolescence_1853164_3224.html
Facebook, nouvelle porte d'entrée dans l'adolescence
LE MONDE | 23.03.2013 à 11h07 • Mis à jour le 25.03.2013 à 10h15
Par Pascale Krémer
Il est le dénominateur commun d'une génération. 93 % des 15-17 ans et 81 % des 13-15 ans disposent d'un compte sur le réseau social Facebook. Chaque année, l'association Calysto, qui sensibilise au bon usage des outils numériques, questionne 35 000 enfants et adolescents. Le "baromètre 2012 Enfants et Internet", qui paraît samedi 23 mars, témoigne non seulement de la quasi-généralisation de la fréquentation de ce réseau mais aussi de son impressionnante remontée en âge.
Les deux tiers des 11-13 ans détiennent un "profil", en dépit d'un âge minimum officiellement fixé à 13 ans par l'opérateur. Et encore l'enquête ne se penche-t-elle pas sur les élèves de l'élémentaire... "Cela commence en CM1 et, l'année suivante, un tiers des élèves a déjà son profil", observe Jacques Henno, auteur et conférencier spécialiste des nouvelles technologies. A l'entrée en sixième, être initié à Facebook devient aussi incontournable à la survie sociale que l'abandon du cartable à roulettes. En fin de collège, "si deux élèves ne sont pas sur Facebook, c'est le bout du monde", assure-t-il. Aucun camarade de Lisa, par exemple, en classe de troisième dans les Yvelines, n'y échappe. "Sinon, on lui demande s'il a l'eau et l'électricité chez lui... On se dit que ses parents sont trop derrière lui, que c'est un bolos." Condamné à la stigmatisation.
RITE D'INITIATION
Quid des autres réseaux sociaux ? Twitter gagne du terrain, mais surtout au lycée; Tumblr ne connaît pas, loin s'en faut, le même succès qu'aux Etats-Unis... Cinq années après la naissance de sa version française, Facebook bénéficie d'une position hégémonique chez les adolescents et aspirants adolescents. Page d'accueil de leur ordinateur, geste réflexe de retour à la maison, il occupe leurs récréations, parfois même leurs cours (portable dans le sac entrouvert sur la table) dès l'âge venu du premier smartphone, lui aussi de plus en plus précoce. Les trois quarts des 11-13 ans possèdent déjà un téléphone, le plus souvent connecté au Web, selon Calysto.
L'inscription sur Facebook vaut désormais marqueur d'avancée en âge, rite d'initiation à l'adolescence. "Puisque par Facebook je peux montrer que je suis ado, je dois y être" : voilà qui transforme le réseau en impératif catégorique, à en croire Cédric Fluckiger, maître de conférences en sciences de l'éducation à Lille-III. "L'adolescent prouve qu'il a gagné ce droit des parents ou qu'il maîtrise le fait d'y être sans leur autorisation. Il commente à 23 heures pour évoquer sa liberté. Il montre sa maîtrise d'un certain nombre de codes propres à l'adolescence, en faisant très attention à ses "like". Et il ne parle surtout jamais de ce qu'il fait avec les parents." Auparavant, il se sera "entraîné" à l'adolescence en fréquentant les profils d'amis plus âgés afin de découvrir leurs goûts et leurs mots pour les dire.
Entrée facilitée en adolescence, donc... Et aussi plate-forme d'entraide pour les devoirs. Fenêtre numérique sur l'extérieur quand les parents ne permettent plus de se construire dans un espace public jugé trop dangereux. Formidable outil de communication permettant de valoriser ses activités sportives ou culturelles, de demeurer en lien avec les amis après déménagement ou vacances d'été, en relation avec le père ou les quasi-frères et soeurs après divorce. Offrant enfin à tous ceux que leur corps inhibe une alternative pour se sociabiliser, effectuer des rencontres amoureuses... Facebook a bien des vertus que passe sous silence le discours volontiers alarmiste des adultes sur les jeunes et l'Internet, dont celle d'aider à la construction d'une individualité dans une société où cette responsabilité incombe désormais à chacun.
"CARTE D'IDENTITÉ VIRTUELLE"
Xavier Pommereau, psychiatre en charge du pôle adolescents du CHU de Bordeaux, connaît bien "ces enfants de l'image qui se construisent à travers elle". "Facebook est une carte d'identité virtuelle qu'ils se fabriquent eux-mêmes. On s'affiche, on dit qui l'on est à travers ce que l'on montre." Et l'on prête la plus grande attention aux réactions positives des pairs. "Jusqu'à l'addiction. On va en permanence vérifier sur sa page, comme sur un miroir, que l'on existe. La qualité du reflet est fonction des pixels qui la composent : les "like"."
Une notion jusque-là plutôt réservée à la culture anglo-saxone s'impose : la "popularité". Le nombre d'"amis" et de réactions favorables atteste et quantifie la valeur sociale, étouffe les inquiétudes. "Support narcissisant", résume le pédopsychiatre Stéphane Clerget. L'adolescent est "visible et validé par le groupe de pairs, confirme Justine Atlan, à la tête de l'association de prévention e-Enfance. Il est du côté de ceux qui sont "populaires". A l'époque de la télé-réalité, on ne souhaite plus être cool mais connu. Avec un profil, chacun a son propre magazine, sa chaîne de télévision".
SURENCHÈRE
Revers de la médaille : gérer au détail près son image, alimenter son journal quotidien, a de quoi mettre sous pression. Les pédiatres américains (American Academy of Pediatrics) ont même récemment estimé que les réseaux sociaux accéléraient la spirale dépressive chez les adolescents. Le docteur Clerget n'est pas loin de dresser le même constat, évoquant un "facilitateur de dépression". "On donne à voir une représentation idéalisée de soi. Les adultes ne sont pas dupes. Les ados, si. Voir le bonheur affiché par d'autres ne renforce pas leur estime d'eux-mêmes." Pour le psychiatre, il y aurait "désidentification au profit de cette image virtuelle", si flatteuse et éloignée de ce qu'ils sont réellement que, "lorsqu'ils éteignent l'ordinateur, ils se sentent comme des ectoplasmes".
Evidemment, faire le buzz, obtenir que sa dernière publication soit la plus commentée, pousse moins à la nuance qu'à la surenchère – exhibitionniste ou violente. Catherine Blaya, professeur de sciences de l'éducation à Nice, estime, après enquête nationale menée auprès de 3 600 collégiens et lycéens, à environ un quart ceux qui ont été victimes de violences ponctuelles via le Web.
Cinq ou 6 % ont subi un cyber-harcèlement plus continu. Des joyeusetés variées allant du "simple" envahissement par l'insulte d'un profil Facebook à la création de faux profils peu flatteurs, au trucage de photos, à la diffusion d'images d'autrui relevant de l'intime, jusqu'au très tendance "tunnel de la mort" – une haie d'honneur se forme dans un couloir du collège, l'enfant qui passe est frappé tout du long, l'ensemble est filmé et diffusé.
Lire aussi : Dans un collège de Bry, session spéciale contre les dérapages liés au Net (abonnés)
La fréquence de ces dérapages, perpétrés dans un anonymat numérique propice au passage à l'acte, inquiète sérieusement le milieu scolaire. Police et associations spécialisées peinent à répondre aux demandes d'intervention dans les classes. Enchaînant assises nationales et plans d'action, le ministère de l'éducation, depuis 2011, a donné une forte impulsion à la lutte contre ces violences numériques. Et les chefs d'établissement, longtemps tentés de renvoyer cette problématique aux parents, sont désormais conscients de la porosité entre univers numérique et climat de leurs collèges et lycées.
Deux élèves prennent un professeur en grippe ? Grâce au réseau, leur haine sera contagieuse. Des échanges venimeux se sont déroulés sur Facebook le week-end ? Ils se soldent en bagarres le lundi matin dans la cour. Des groupes s'y forment, reproduisant les petites cellules amicales constituées sur le réseau, dont seuls leurs participants ont connaissance. "Les gamins sont aussi plus durs entre eux, ajoute M. Henno, comme si la liberté de parole sur Facebook déteignait."
Un espoir néanmoins, selon les observateurs : de plus en plus de jeunes ont désormais des proches à qui Facebook n'a pas amené que de grands bonheurs. Ils font donc plus attention, paramètrent davantage leurs profils pour les rendre moins accessibles. Encore faut-il qu'ils sachent où passe cette frontière entre vie privée et vie publique que l'usage des réseaux sociaux, comme la télé-réalité, a contribué à brouiller.
Pascale Krémer
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- Le 09/02/2015
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